Traduction d’un article publié dans CANADIAN PRESS le 24 novembre 2008.
Une importante étude, qui posera un jalon dans l’évolution des connaissances sur le cancer du sein, vient d’être publiés dans une revue scientifique, Archives of Internal Medicine. Cette étude démontre que le dépistage du cancer du sein par la mammographie fait augmenter le taux de mortalité attribué à cette maladie. En plus des risques inhérents à la mammo à cause de la radiation et de la compression des seins, on constate maintenant que ce type de dépistage du cancer du sein mène à des diagnostics de cancer «auto-limitants», c’est-à-dire qui n’auraient jamais évolué ou se seraient guéris d’eux-mêmes. Cette importante étude crée un dilemme pour le monde médical. Lorsqu’un cancer est découvert, l’éthique médicale exige que tout le processus d’interventions basé sur la technologie soit mis en branle. Mais en réalité un grand nombre de femmes subissent des chirurgies, de la radiation, de la chimio et d’autres traitements agressifs qui rendront catastrophique une situation qui aurait pu se résoudre d’elle-même.
La radiation peut infliger des dommages substantiels et permanents au coeur et aux artères coronaires. La chimio peut attaquer les fonctions cognitives. La chirurgie et l’ablation des nodules lymphatiques peuvent causer la lymphodémie, causant de l’oedème douloureux dans les bras.
Le Dr Patrick Remington, un scientifique qui se penche depuis le début des années 90 sur la question des cancers qui s’auto-guérissent, a constaté que l’introduction des programmes de dépistage de cancer du sein par la mammographie a causé une augmentation significative et soutenue de l’incidence de ce cancer aux É.-U. Il est convaincu que certains cancers, même envahissants, peuvent régresser d’eux-mêmes. «Je crois qu’on pourrait estimer qu’environ une femme sur trois est diagnostiquée avec un cancer qui n’aurait pas évolué si la médecine n’était pas intervenue.»
Le Dr Remington fait remarquer que dans le cas du cancer de la prostate, de plus en plus de médecins préconisent une approche de surveillance plutôt que d’intervention immédiate afin de voir si le cancer va évoluer. On ne traite alors que les cancers qui évoluent. Toutefois, dans le cas du cancer du sein, cette approche ne fait pas partie des options offertes aux femmes.
À l’appui des constatations de cette étude est le fait que lors d’autopsies on découvre souvent des cas où les femmes décèdent d’autres causes sans qu’elles n’aient jamais su qu’elles avaient un cancer du sein. Le Dr Steven Narod, un chercheur chevronné au Sunnybrook Health Sciences Centre de Toronto, convient qu’entre 10 et 20 pour cent des cancers du sein disparaissent d’eux-mêmes sans aucune intervention.
L’étude a comparé, sur une période de cinq ans, les taux de cancer du sein chez près de 120,000 femmes qui avaient subi trois mammographies entre 1996 et 2001 à celui d’un groupe semblable de femmes de la même tranche d’âge (de 50 à 64 ans) qui n’avaient subi qu’une seule mammographie (groupe témoin). Sur le plan statistique, toutes ces femmes étaient d’un milieu social semblable et avaient eu en moyenne le même nombre d’enfants. Par conséquent, on aurait pu s’attendre à ce que le taux de cancer du sein dans ces deux groupes ait été semblable. Mais à la grande surprise des chercheurs, les femmes dans le groupe témoin ont eu 22% moins de cancer du sein.
Même en incluant certains facteurs comme l’usage de l’hormonothérapie, les chercheurs ont conclu qu’il n’y a aucune explication plausible pour une différence aussi dramatique dans l’incidence du cancer du sein entre ces deux groupes à part la mammographie.
Le Dr Cornelia Baines, professeur à l’école de santé publique de l’Université de Toronto et co-responsable de la grande étude sur le dépistage du cancer du sein menée par cette université, note qu’il sera difficile de mettre en pratique les leçons que le monde médical pourrait tirer de cette étude. Une fois le cancer diagnostiqué, les médecins vont toujours opter pour l’intervention agressive. Le Dr Baines suggère cependant que les scientifiques pourraient étudier les mécanismes qui font que certains cancers se résorbent d’eux-mêmes afin de développer des nouveaux protocoles de prévention et de traitement moins agressif du cancer du sein.
Une autre leçon que le Dr Baines souhaiterait voir le monde médical et les femmes retenir de cette étude et qui semble être ignorée à l’heure actuelle, est que la mammographie n’a pas que des avantages, elle présente également des désavantages substantiels car elle est en elle-même un facteur de risque bien documenté de cancer du sein, surtout à cause de la compression des tissus mammaires et de la radiation qui s’accumule d’année en année dans ces tissus délicats et vulnérables. Elle déplore que les femmes ne soient pas mieux informées pour faire des choix plus éclairés en vue du pour et du contre de la mammographie.