Considérant le battage publicitaire qu’on fait autour de la mammographie et le fait qu’on considère maintenant pratiquement comme un article de foi que cette méthode de dépistage sauve des vies, bien des femmes au mitan de la vie se posent cette question un jour ou l’autre. Leur médecin aura probablement insisté sur la nécessité de se soumettre à cette procédure à titre de «prévention» et toute femme qui veut exercer son libre choix en la matière peut avoir à se trouver un autre médecin car certains sont des inconditionnels de la mammo. De plus, au Québec les femmes reçoivent une lettre qui leur est personnellement adressée par leur service de santé local pour les convoquer à subir cet examen comme s’il s’agissait d’une question de vie ou de mort.
Peu importe que ce moyen de dépistage soit de plus en plus controversé, et que les programmes de dépistage systématique de toute la population féminine d’un certain âge grèvent sérieusement les budgets gouvernementaux des soins de santé. Selon des médecins qui osent dire leur façon de penser à ce sujet, dont le Dr Fernand Turcotte, M.D.,1 il est évident qu’il y a des influences à l’œuvre qui n’ont rien à voir avec la santé des femmes. Comment comprendre qu’on investisse autant d’argent dans cette méthode de dépistage alors que les statistiques sont loin de démontrer clairement qu’elle fasse vraiment une différence en bout de ligne pour la survie des femmes atteintes du cancer du sein et qu’elle constitue de fait un facteur de risque de ce cancer ? Bien sûr, les femmes chez qui on a dépisté un cancer de cette façon peuvent être convaincues que c’est ce qui leur a sauvé la vie. Mais il se pourrait tout aussi bien qu’on leur ait plutôt gâché la vie!
C’est ce que fait valoir le Dr Marc Girard, un médecin français qui vient de publier sur son site web un article percutant à ce sujet, que je vous recommande fortement de lire (voir références). Il affirme entre autres: «Sous l’influence de ce qu’il faut bien appeler une promotion assez systématiquement mensongère, les femmes ont été conduites à penser que la détection par mammographie d’une tumeur maligne allait « sauver leur vie ». C’est essentiellement faux. Chez une personne donnée, même si le cancer est réel, le bénéfice d’une détection mammographique est marginal (par rapport à ce qui se serait passé si le cancer avait été détecté cliniquement), pour ne pas dire infinitésimal: la plus complète des revues disponibles sur le sujet estime que seule une femme sur 2000 testées pendant dix ans échappera à un décès par cancer relativement à celles qui auront été à la pêche plutôt que chez le radiologue. Elle ne dit pas du tout que l’heureuse élue vivra plus longtemps et précise même qu’aucune étude sérieuse ne permet de retenir un bénéfice du dépistage en termes de survie globale: en d’autres termes, l’heureuse élue mourra comme les autres – peut-être même des complications de son traitement anticancéreux ou de la multiplication des mammographies déclenchée par le diagnostic initial de cancer.»2
Pensons-y: il faudra 20,000 mammographies pour arriver à sauver une seule femme d’un décès par cancer du sein !!! Puis il y a le problème du surdiagnostic. Selon une étude danoise publiée récemment dans le British Medical Journal (BMJ), un cancer du sein sur 3 dépisté par mammographie dans le cadre d’un programme organisé serait surdiagnostiqué. En d’autres mots, ce qu’on a diagnostiqué comme cancer ne sera en réalité qu’une anomalie (telle qu’une microcalcification) qui n’aurait jamais entraîné de symptômes pendant la vie de cette femme qui serait décédée d’autres causes, voire même de vieillesse. Il a été démontré d’ailleurs qu’environ 20 pour cent des cancers s’autoguérissent.3
Des chercheurs du Nordic Cochrane Centre de Copenhague ont causé tout un émoi dans le monde médical lorsqu’ils ont publié en 2008 une analyse de plusieurs études menées depuis 1990 examinant les données du cancer du sein avant et après l’introduction d’un programme organisé de dépistage dans 5 pays (Royaume-Uni, Canada, Australie, Suède et Norvège) et les taux de cancer chez les femmes plus âgées plusieurs années après les dépistages. On aurait pu s’attendre que ces taux diminuent étant donné que les cancers avaient été détectés plus tôt. Mais tel n’était pas le cas et qui plus est, on a calculé que pour chaque 2 femmes chez qui un cancer dangereux aurait été détecté, une femme a eu à subir des traitements inutiles et débilitants pour un cancer qui ne l’aurait jamais dérangée.4
Pour résumer, selon les recherches réalisées jusqu’à maintenant, pour 1000 femmes qui passent une mammographie tous les ans à partir de 50 ans:
- une aurait la vie sauve grâce à la détection précoce ;
- entre 2 et 10 recevraient des traitements inutiles pour un cancer à lente évolution ;
- entre 10 et 15 femmes reçoivent un diagnostic plus tôt sans que cela augmente leurs chances de survie (un traitement plus tardif aurait donné les mêmes résultats) ce qui a effectivement diminué leur qualité de vie de façon précoce sans que cela augmente leur espérance de vie ;
- entre 100 et 500 femmes reçoivent une fausse alerte et passent à travers l’inquiétude de tests supplémentaires; environ la moitié de ces femmes subissent une biopsie non nécessaire.5 On admet maintenant que les procédures telles que la biopsie peuvent activer des cellules pré-cancéreuses qui seraient peut-être demeurées latentes pendant des décennies.
Le Dr Marc Girard reflète l’opinion d’un nombre croissant de médecins et d’experts qui osent se pencher objectivement sur cette question quand il affirme: «Il n’y a pas besoin d’avoir fait la fac de médecine pour voir que les preuves disponibles sont peu compatibles avec le message promotionnel sans nuance des autorités de la santé… On y verra notamment les auteurs se poser exactement la question de l’alinéa précédent, à savoir: comment se fait-il qu’il soit si difficile aux femmes visées par les actuelles campagnes d’être à tout le moins informées quant aux réserves pourtant nombreuses qu’on peut entretenir à l’égard de ce dépistage et de ses bénéfices présumés?» 2
Sur une note personnelle, lorsqu’un médecin qui venait de m’accepter comme nouvelle patiente voulait me prescrire une mammo, je lui ai répondu «Docteur, lorsqu’on aura réussi à prouver que les avantages de ce moyen de dépistage justifient les risques qu’il entraîne (à cause de la compression et de la radiation des seins), alors j’y penserai. Étant donné que je n’ai aucun antécédent familial de cancer du sein, je ne recourrai certainement pas à la mammo à moins d’avoir des raisons de m’inquiéter.» Heureusement pour moi, ce médecin était assez ouvert et respectueux de mon choix pour ne pas me congédier comme patiente sur-le-champ!
Références:
1
Fernand Turcotte, M.D. Entrevue: http://www.youtube.com/watch?v=CGpdjxOSNEU . Livres: «Le dernier des bien portants. Comment mettre sa santé à l’abri des services de santé» et «Dois-je me faire tester pour le cancer? Peut-être pas et voici pourquoi»Voir http://www.pulaval.com/catalogue/dois-faire-tester-pour-cancer-peut-8770.html
2
Marc Girard, M.D. «La face obscure de la mammographie: Tout ce que vous avez voulu savoir sur la mammographie sans que votre médecin ose se renseigner…» http://www.rolandsimion.org/spip.php?article162&lang=fr
3
Pour plus de détails à ce sujet voir l’article «Jusqu’à 22% des cancers du sein envahissants s’autoguérissent sans traitement»
4
http://www2.cochrane.org/reviews/en/ab001877.html
www.santedesfemmes.com