La renaissance de la contraception sans hormones

La renaissance de la contraception sans hormones

LA PILULE EN BAISSE

17 août 2019 Le Soleil ANNE-SOPHIE POIRÉ aspoire@lesoleil.com

Condom invisible pour femmes, contraceptif hormonal pour hommes, gel : le marché de la contraception est en pleine évolution

« Plusieurs femmes veulent prendre le contrôle de leur cycle menstruel et de leur contraception, sans médecin ni médicament » — Céline Bouchard, gynécologue à la Clinique de recherches en santé de la femme à Québec. 

En 1960, la première pilule contraceptive est homologuée au Canada. Elle est administrée sous le couvert du «produit d’hygiène féminine» pour le soulagement des problèmes gynécologiques ou la régularisation du cycle menstruel. Sa prescription à des fins contraceptive ne sera légalisée qu’en 1969. Enfin, les femmes ont le contrôle sur leur corps, et leur avenir. Aujourd’hui, elles sont nombreuses à abandonner les anovulants ou toutes autres formes de contraceptions hormonales. Pour des raisons de santé, selon certaines, ou pour des considérations féministes, pour d’autres. 

Le nombre d’ordonnances reliées à la pilule contraceptive est en déclin, selon les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec ( RAMQ). En 2015, 1 028 074 services reliés à une ordonnance de pilules contraceptives ont été offerts. En 2018, leurs nombres étaient de 900 413. Il s’agit d’une baisse de près de 12,5 %.

LES EFFETS SECONDAIRES DÉCRIÉS

À 20 ans, Laurence Taschereau a fait un petit caillot sanguin qui a monté à son cerveau. Rien d’alarmant, mais suffisamment pour devoir cesser la pilule contraceptive. Gabrielle Authier, elle, a eu un peu moins de chance. Le caillot causé par la pilule contraceptive puis emmagasiné dans son aine s’est détaché et a provoqué une embolie pulmonaire. Résultat : deux semaines à l’hôpital, deux mois sans marcher, six mois d’anticoagulant oral. L’absorption d’hormones lui est interdite à vie. Elle avait 22 ans.

En juillet, une action collective contre le géant pharmaceutique Bayer visant à dédommager les femmes ayant utilisé ou reçu une prescription des pilules contraceptives Yasmin ou Yaz, était autorisée au Québec. Selon l’action, elles accroîtraient les risques de thrombose artérielle, de thromboembolique veineuse, une embolie pulmonaire ou de maladie de la vésicule biliaire.

«Les risques de faire une embolie pulmonaire sont trois fois plus élevés» avec la prise de contraceptifs oraux, rappelle Céline Bouchard, gynécologue à la Clinique de recherches en santé de la femme à Québec.

Migraines, maux de ventre, symptômes dépressifs, baisse de libido, fatigue : quoique plus modérés, les autres effets secondaires des contraceptifs hormonaux sont nombreux. Sarah-Jeanne Lapointe portait le dispositif intra-utérin hormonal Mirena, également propriété de la compagnie Bayer. Elle souffrait de maux de dos chroniques.

«Après plusieurs traitements, sans succès, mon chiropraticien et mon médecin ont évoqué que plusieurs patientes portant le stérilet souffraient aussi de douleurs au dos», raconte la jeune femme. Elle a choisi d’arrêter toute contraception. Et depuis, les maux ont diminué.

«RETROUVER SON CORPS»

Sophie Lachance, coordonnatrice clinique au Centre de santé des femmes du Québec, et la docteure Bouchard notent toutes deux une augmentation de la demande pour les dispositifs intra-utérins de cuivre, sans hormone, donc. Ils ne sont toutefois pas remboursés par le régime provincial d’assurance maladie. «Plusieurs femmes veulent prendre le contrôle de leur cycle menstruel et de leur contraception, sans médecin ni médicament», fait valoir Mme Bouchard.

Et parmi les moyens de contraception naturels, la méthode sympto-thermique semble revenir en force. L’idée est de déceler les périodes de fécondité et d’infertilité dans le cycle menstruel, par l’observation de sa température corporelle. Une méthode naturelle pourra ainsi être jumelée à une méthode barrière en période de fertilité, comme le préservatif ou le diaphragme.

Estelle Roy a arrêté la contraception hormonale il y a un an. Elle n’était plus à l’aise avec l’idée d’ingérer des hormones tous les jours, en plus de porter seule le poids de la contraception. Gabrielle Vallières, pour sa part, l’a fait pour des considérations féministes. «C’est une charge supplémentaire pour la femme de devoir utiliser un contraceptif, autant psychologiquement que financièrement», dit-elle.

L’abandon de la contraception hormonale ne signifie toutefois pas l’abandon des précautions. Il s’agit plutôt d’impliquer son partenaire et de le conscientiser, pour un rapport à la contraception plus égalitaire. Puisqu’elle repose encore majoritairement sur les épaules de la femme, rappelle Mme Bouchard.

« La contraception a permis aux femmes de se libérer. Certaines sentent aujourd’hui le désir de retrouver leur corps. Ce sont des mouvements de société, comme avec la coupe menstruelle. Ça peut s’inscrire dans un mouvement féministe.»

Le Centre de santé des femmes du Québec aborde ainsi la contraception selon cette approche féministe. L’idée est d’informer le plus justement possible quant à l’efficacité de chaque méthode, selon le mode de vie de la patiente.

« La femme est au centre de notre intervention, précise Sophie Lachance. Si elle est convaincue que son stérilet ou les hormones la rendent dépressive par exemple, on va aller vers ce qu’elle veut. La meilleure méthode sera celle qu’elle choisira.»

S’AIDER AVEC LA TECHNOLOGIE

Clue, Period Tracker, Ladytimer, Flo, Life : le nombre d’applications mobiles pour gérer le cycle menstruel explose. Depuis 2018, la Food and Drug Administration (FDA), agence américaine de réglementation des produits alimentaires et des médicaments, autorise l’application mobile Natural Cycle comme moyen de contraception, au même titre que la pilule ou le préservatif. Elle repose sur la méthode sympto-thermique. L’Union européenne l’avait approuvée l’année précédente. 

«Les applications mobiles aident à gérer la contraception, mais pour une certaine catégorie de femmes», prévient Céline Bouchard. Le risque de grossesse demeure beaucoup plus élevé qu’avec les contraceptifs hormonaux. « Il faut être disciplinée et bien comprendre son cycle menstruel.»