De nos jours, on entend beaucoup parler d’hormones naturelles. Si vous allez au magasin d’aliments naturels et que vous demandez des «hormones naturelles», on vous présentera une panoplie de produits qui contiennent des extraits de plantes qui peuvent avoir des effets hormonaux. Par contre, de plus en plus de médecins disent à leurs patientes «Je vais vous prescrire quelque chose de naturel, c’est du soya.» Alors quelle différence y a-t-il entre les phytoestrogènes que vous trouvez au magasin d’aliments naturels et les oestrogènes apparemment à base de soya que les médecins proposent à leurs patientes? Voici donc quelques questions et réponses pour vous aider à faire des choix plus éclairés en hormonothérapie si vous avez décidé de gérer votre ménopause «au naturel».
Est-il vrai que les médecins prescrivent des hormones à base de soya?
Lorsqu’on parle de produits «à base de soya», il faut préciser ce qu’on veut dire. Dans le cas des hormones pharmaceutiques, le soya est utilisé comme matière première dans leur fabrication. Cependant, en laboratoire, on en change la configuration moléculaire. Donc, le produit qui en résulte N’EST PLUS DU SOYA car on l’a transformé au point d’en changer la nature. C’est la publicité très sophistiquée des compagnies pharmaceutiques qui sème la confusion chez les médecins, car on met en relief le point de départ de la fabrication – le soya – plutôt que le produit final – des oestrogènes identiques aux oestrogènes humains.
Si l’on vérifie la composition d’une hormone d’ordonnance fabriquée à partir du soya comme ESTRACE, par exemple, la fiche technique indique bien que ce produit contient «100% de 17-B Oestradiol, oestrogène identique à celui qui est produit par l’ovaire chez la femme». Je trouve ça inexplicable que tant de médecins ne mettent pas 2 et 2 ensemble. Premièrement, ils devraient savoir que LES PLANTES NE PRODUISENT PAS D’HORMONES HUMAINES.
C’est donc dire que LE SOYA À L’ÉTAT NATUREL NE CONTIENT PAS UNE TRACE DE 17-B OESTRADIOL puisqu’il s’agit d’une hormone spécifique aux humains. Étant donné que c’est une hormone dont le potentiel cancérigène est bien connu, si le soya à l’état naturel en contenait la moindre trace, on le bannirait immédiatement de l’alimentation humaine ou animale.
Alors, les médecins ne prescrivent donc pas d’hormones naturelles?
Ça dépend comment on décrit le terme «hormones naturelles». En réalité, ce terme ne veut pratiquement rien dire car il a des interprétations trop variées. Il vaudrait bien mieux utiliser des termes plus précis tels que «hormones bio-identiques» ou «non bio-identiques». Par exemple, une dame me disait l’autre jour qu’elle avait demandé à son pharmacien s’il dispensait des hormones naturelles. Celui-ci a répondu avec emphase que oui, il avait des «hormones naturelles», et il lui donna comme exemple le Premarin et le Provera.
Le fait est que ces deux sortes d’hormones pharmaceutiques ne sont PAS BIO-IDENTIQUES, mais si l’on ne se réfère qu’à leur origine, c’est-à-dire la matière première qu’on a utilisé en laboratoire pour les produire, le pharmacien avait raison: l’une provient de l’urine de jument gravides (donc c’est quelque chose qu’on trouve dans la nature bien que pas dans le corps humain), et l’autre (le Provera) est une hormone inventée en laboratoire qui n’existe pas non plus dans le corps humain mais qui est dérivé du soya ou de l’igname sauvage comme point de départ dans le processus de fabrication. De fait, la plupart des hormones, qu’elles soient bio-identiques ou non, sont fabriquées à partir de ces plantes.
Qu’est-ce que des «hormones bio-identiques»?
On entend par «hormone bio-identique» une hormone qui a la même configuration moléculaire que les hormones produites par le corps humain. En laboratoire, on peut obtenir des copies exactes des différentes hormones humaines en transformant des molécules de stérols qu’on trouve dans les plantes. Mais notez bien que ces hormones bio-identiques sont bel et bien produites en laboratoire et donc, par définition, «synthétiques» puisqu’elles sont toutes l’aboutissement d’une synthèse, même si le point de départ était une substance végétale.
Faut-il se méfier de toutes les hormones synthétiques?
Tout d’abord, il faut se souvenir que les hormones sont des substances qui agissent comme des messagers. Elles sont produites par nos glandes endocrines, dont les ovaires et les testicules font partie, et arrivent à nos cellules via le courant sanguin. Nos cellules sont dotées de «récepteurs» spécialisés pour capter le message des différentes hormones. Lorsqu’une hormone trouve un récepteur qui lui est destiné, elle peut livrer son message et causer ainsi un changement dans la programmation de cette cellule. Quelle que soit la provenance de l’hormone – exogène, c’est-à-dire venant de l’extérieur du corps, ou endogène, c’est-à-dire produite par nos glandes – si l’hormone est bio-identique, le message sera le même que celui que prévoit la nature.
Si l’hormone n’est pas bio-identique, donc une invention humaine, elle agira alors comme «imposteur hormonal» car son message ne sera pas le même – de là le plus grand risque d’effets secondaires. Les hormones comme il y a dans la pilule contraceptive, le Depo-Provera (un contraceptif injectable) et le Provera ne sont pas des hormones bio-identiques. Par contre, il y a des hormones d’ordonnance qui sont bio-identiques: par exemple Estrace, Estrogel, les timbres tels qu’ Estraderm, et bien d’autres. Si vous prenez des hormones d’ordonnance, plutôt que de demander à votre médecin ou pharmacien si elles sont «naturelles» ou «synthétiques», il est bien plus pertinent de demander si elles sont «bio-identiques» ou «non bio-identiques».
Les hormones bio-identiques sont-elles plus sécuritaires?
Non, pas nécessairement. Prenez l’Estrace, par exemple. Ce produit contient de l’oestradiol, oestrogène humain le plus puissant dont le principal rôle est de faire épaissir l’endomètre pendant le cycle menstruel en stimulant la multiplication cellulaire. Par définition, c’est un oestrogène qui peut accélérer une multiplication cellulaire désordonnée (donc le cancer) dans les cellules qui sont déjà affaiblies génétiquement pour différentes raisons: pollution, stress, mauvaise alimentation, etc.
De plus, les oestrogènes pris sous forme de pilule sont très agressants pour le foie. Il vaut beaucoup mieux, de l’avis de bien des experts, prendre les hormones sous forme de crèmes, de gels ou de timbres appliqués sur la peau. Mais attention: tous les timbres et les gels prescrits au Québec (Estrogel, Estraderm et autres) contiennent de l’oestradiol. Il faut se souvenir que les oestrogènes pharmaceutiques, qu’ils soient bio-identiques ou non, ont été récemment ajoutés à liste américaine des substances reconnues comme cancérogènes.
Qu’en est-il des phytoestrogènes?
Les phytooestrogènes sont des substances dans les plantes qui ont un effet oestrogénique doux. Toutefois, ce ne sont pas des hormones humaines et donc ils ne sont pas identiques à ce que le corps humain produit. Mais au cours de millions d’années d’évolution, les facteurs oestrogéniques dans les plantes en sont venus à être reconnus par nos récepteurs cellulaires d’oestrogène, en d’autres mots ils peuvent se lier à nos récepteurs cellulaires d’oestrogène et avoir un effet oestrogénique. Étant donné qu’ils fonctionnent comme des oestrogènes très faibles, le risque de cancer venant des phytooestrogènes est de beaucoup réduit. Des recherches sont menées actuellement sur les oestrogènes faibles comme l’oestriol et les phytoestrogènes pour voir s’ils ne pourraient pas remplacer les oestrogènes puissants comme l’oestradiol et l’oestrone dans l’hormonothérapie.
On espère qu’ils peuvent avoir les effets positifs des oestrogènes plus puissants sans en avoir les effets secondaires souvent nocifs. Les chercheurs sont très optimistes que tel est le cas. Cependant, une petite mise en garde: ne surchargez pas votre corps de phytooestrogènes, car si vous avez déjà une dominance en oestrogène (p. ex. à cause d’un foie lent ou d’un manque de progestérone) vous pourriez faire basculer la balance encore plus vers cette dominance en oestrogènes reconnue pour augmenter les facteurs de risque de cancers hormono-dépendants.
L’igname sauvage peut-elle remplacer la progestérone?
Non, absolument pas. Les recherches récentes ont démontré que l’igname sauvage sous toutes ses formes (gels, capsules, etc.) fonctionne comme phytoestrogène. De toute façon, cette plante sert de matière première dans la fabrication de toute une panoplie d’hormones: progestérone, DHEA (une hormone mâle), cortisol (un corticostéroïde), et même de certains produits d’oestrogène pharmaceutique (Estrogel, par exemple). Alors, comment votre corps saurait-il en quelle hormone la transformer?
Bien des femmes qui utilisent les gels à l’igname sauvage (p. ex. Bibop, qui a une concentration de 16% de diosgénine, l’ingrédient actif de l’igname), éprouvent des effets d’oestrogène, tels que la sensibilité des seins. Ces produits contenant des extraits naturels d’igname sauvage ont leur utilité et peuvent vous aider, mais tout dépend de vos besoins. Une chose est certaine: si vos symptômes indiquent que vous avez une dominance en oestrogène, habituellement causée par un manque de progestérone, un gel à l’igname sauvage a très peu de chance de vous aider. Il faut alors utiliser une crème à la progestérone bio-identique.
Nota: Même si le titre de cet ouvrage parle de préménopause, il s’applique tout aussi bien aux femmes ménopausées.
Références et lectures recommandées:
Dr John R. Lee, M.D., «Tout savoir sur la préménopause», Éditions Sully Voir ma chronique intitulée «Les hormones naturelles: sont-elles vraiment «naturelles»… et pourquoi ne sont-elles pas en vente libre au Canada?»