Chère pharmacienne,
Je viens d’entendre parler d’une nouvelle étude qui indique que les suppléments d’huile de poisson ne préviendraient pas les crises cardiaques, et pourraient être inutiles. Devrais-je continuer de prendre des suppléments d’huile de poisson? – S.S., Chicago
Réponse de Suzy Cohen: Oui, si le supplément est de bonne qualité. Cette «étude» n’était pas vraiment une étude. C’était plutôt une méta-analyse, ce qui veut dire que les chercheurs ont examiné les résultats de plusieurs études et ont tiré leur propres conclusions basées sur des données collectives. La méta-analyse à laquelle vous faites allusion, a été publiée dans le numéro de septembre 2012 du JAMA (Journal of the American Medical Association), et elle inclut les données de 68,000 participants qui proviennent de 20 études différentes étalées sur une période de 24 ans. J’ai un peu de difficulté à admettre que les huiles de poisson soient sans valeur. La littérature a prouvé depuis longtemps que les huiles de poisson de haute qualité sont très bénéfiques pour le cœur et pour les artères. Voici ce que j’ai noté comme problèmes avec l’article en question:
Les chercheurs ont révisé seulement 20 études, mais il existe des milliers d’études qui suggèrent que les huiles de poisson protègent le système cardio-vasculaire, particulièrement les composants EPA et DHA. Il est difficile d’avoir un tableau complet et de tirer de telles conclusions affectant la santé de millions de gens en étudiant les données d’un petit nombre d’études qui peuvent avoir été choisies pour en arriver à des conclusions prédéterminées.
De quelle façon les huiles de poisson ont-elles été utilisées? La plupart des gens utilisent une dose de 1000mg par jour alors que 2000mg par jour sont nécessaires pour avoir un apport suffisant en EPA et en DHA, et pour avoir un effet bénéfique sur les maladies coronariennes. Il semble que les participants aux études retenues pour cette analyse ne prenaient pas une quantité optimale d’EPA/DHA. De plus, le ratio EPA/DHA devrait être idéalement de 3:2; par exemple 600mg de EPA pour 400mg de DHA. Rien dans le rapport publié dans JAMA n’indique que ce ratio a été respecté.
Le fait que la méta-analyse porte sur des gens qui ont déjà de sérieuses conditions de santé comme des maladies chroniques, ou qui ont déjà eu un infarctus ou un AVC met sérieusement en doute les conclusions qu’on en a tiré. En outre, il est d’autant plus difficile de prévenir les problèmes de santé critiques chez des personnes qui en ont déjà eu par le passé.
Qu’en est-il des médicaments que ces personnes consommaient déjà? Les participants à ces études consommaient-ils toutes sortes de médicaments pour la pression sanguine ainsi que des diurétiques? La plupart de ces médicaments sont considérés comme des inhibiteurs de magnésium. Il est important de savoir qu’une sérieuse déficience en magnésium non corrigée peut causer une crise cardiaque, peu importe la quantité d’huile de poisson que vous consommez. Pour moi, ceci constitue une faille majeure au niveau de leur conclusion mal étayée par les données des études.
Qu’en est-il du niveau d’acide gamma-linolénique (AGL) des huiles qui ont été consomées dans cette étude? Lorsque vous utilisez des huiles de poisson, riches en acide gras oméga-3, vous devez également prendre un supplément d’AGL (un acide gras oméga-6), car de grandes doses d’huiles de poisson vont aussi agir comme inhibiteurs d’AGL. Par exemple, si vous prenez 1000mg d’huile de poisson (constitué d’EPA et de DHA), vous aurez besoin de 500mg d’AGL en même temps. L’huile d’onagre peut fournir l’AGL. Ceci est important car une déficience en AGL peut augmenter la coagulation sanguine de façon nuisible. L’AGL est efficace pour protéger le système cardio-vasculaire et sans un niveau adéquat, vous pourriez souffrir de problèmes cardiaques. Ceci n’a même pas été abordé dans cette méta-analyse.
Même la American Heart Association approuve l’utilisation des huiles de poisson pour la santé du système cardio-vasculaire. Mais pour vraiment bénéficier des bienfaits des omega 3 de poisson, il faut absolument qu’ils soit accompagnés d’omega-6 comme l’acide gamma-linolénique.
Par Suzy Cohen RPh
Suzy Cohen est une pharmacienne très respectée aux États-Unis, qui anime des émissions à la radio et à la TV en plus d’un site web très populaire.
Source: http://dearpharmacist.com/?p=2011
Commentaire de Micheline : On nous met souvent en garde contre le déséquilibre qui existe entre l’apport d’omega 3 et d’omega 6 dans notre alimentation — et qu’il faut réduire les omega 6 et augmenter les omega 3 pour en arriver à un ratio de 3:1. Depuis plusieurs années j’essaie de consommer le moins possible d’omega 6 (huiles végétales telles que l’huile de soya, de maîs, etc.) Toutefois, faut se souvenir qu’il y a des bons et des mauvais omega 6 et qu’il est indispensable de consommer certains acides gras essentiels de type omega 6, en particulier l’acide gamma linolénique (AGL), pour maintenir un équilibre avec les omega 3, pour en retirer les bienfaits. À ce propos, je vous réfère à un article que vous trouverez sous l’onglet DOSSIER HORMONES sur le site santedesfemmes, intitulé « Les acides gras essentiels et la santé hormonale » (cliquez ici). La bonne nouvelle est qu’il existe des suppléments combinés d’omega 3 et d’AGL. Un exemple est le « Ultimate Fish Oil » pour femmes adultes de Progressive, qui contient de l’huile de poisson, de lin, de carthame, d’onagre, de romarin, etc., ainsi que le bon ratio EPA/DHA. On trouve ce produit dans les magasins d’aliments naturels ou les pharmacies au Québec.